LE FIGARO.- La rumeur de votre remplacement par Anne Lauvergeon a couru début 2013. Votre mandat arrive à échéance l’an prochain, serez-vous prolongé?
Stéphane RICHARD.- Cette rumeur a été immédiatement démentie par le gouvernement. Mais le seul fait qu’elle ait pu circuler m’a conduit à me remettre en cause. À 50 ans passés, j’ai déjà une vie bien remplie et je ne suis pas dans l’optique de m’accrocher à mon fauteuil. Cela m’agace quand j’entends dire que mon bilan se résume à avoir pacifié l’entreprise, même si j’en suis très fier. Je l’ai aussi profondément modernisée. Et j’entends continuer à le faire. Je viens de resserrer et rajeunir mon comité de direction: je suis désormais à la tête d’une équipe de combat.
Par exemple, le sujet clef de l’innovation est désormais placé sous la houlette unique de Vivek Badrinath, mais j’ai aussi redéfini la stratégie du groupe avec le plan «conquêtes 2015». J’ai établi des relations personnelles de grande qualité avec tous les grands dirigeants du numérique à travers le monde, d’ATT à China Mobile en passant par Apple ou Carlos Slim. C’est un capital que je souhaite mettre au service de l’entreprise. L’avenir d’Orange me passionne. Je présenterai au conseil avant la fin de l’année, avec l’équipe qui m’entoure, une vision pour le groupe à l’horizon 2020. Ce sera un projet ambitieux et offensif pour Orange.
France Télécom a fortement baissé en 2012. Serez-vous jugé sur votre cours de Bourse?
La baisse du cours de Bourse me préoccupe beaucoup. Pour les actionnaires de France Télécom, l’État, le FSI, les salariés du groupe. À titre personnel aussi: j’ai acheté 60.000 actions à 17 euros. La raison principale en est la situation du marché français. Notre régulateur a dressé un tableau idyllique du secteur en 2012. La réalité est bien différente. Les trois acteurs existants ont subi un choc de marché d’une violence inouïe. Un vrai coup de Trafalgar qui nous a fait perdre près d’un milliard d’euros de marge en 2012, et sans doute autant en 2013. Et la facture aurait pu être encore plus salée pour France Télécom sans l’itinérance. Mais je suis convaincu que nous pouvons inverser cette tendance. Je consacre personnellement beaucoup de temps, avec Gervais Pellissier, à voir investisseurs et analystes pour les convaincre du bien-fondé de notre stratégie d’adaptation. Ce travail commence à porter ses fruits. Sur un mois, le cours de France Télécom est déjà remonté de près de 20 %.
Dès le 4 avril, les abonnés d’Orange pourront bénéficier de la «4G» dans 11 nouvelles villes. À quel prix?
La 4G est un élément clef de notre stratégie pour redonner de la valeur au marché. Nous le faisons déjà en Angleterre où le revenu moyen a augmenté de 10 % pour les clients 4G. En France, nous sommes en phase de déploiement rapide du réseau. La 4G sera offerte, dans un premier temps, pour nos clients haut de gamme (Origami Jet) ; et nous la proposerons en option pour tous les autres forfaits Origami, à 1 euro de plus par mois jusqu’à la fin de l’année. Dans une deuxième phase, quand notre couverture 4G sera plus étendue, le prix s’ajustera. La 4G ne sera pas disponible sur nos offres Sosh… Au-delà du prix, notre ambition est d’offrir la meilleure expérience pour nos clients. Nous sommes numéro 1 sur la 3G depuis 3 ans. Nous faisons tout pour le rester sur la 4G. Toute l’entreprise est mobilisée sur ce chantier. Nous serons les premiers à couvrir Paris avant la fin 2013 et nous fournirons dès le 4 avril ces services au grand public dans 11 nouvelles villes.
Allez-vous attaquer la décision permettant à Bouygues de lancer la 4G sur ses fréquences GSM?
Nous avons évoqué cette possibilité au conseil d’administration, mais rien n’est encore décidé. Ce n’est pas tant que nous sommes opposés à ce que l’on utilise les fréquences 1800 pour faire de la 4G, même si cette possibilité ne bénéficie en fait qu’à Bouygues Telecom qui dispose de davantage de spectre pour deux fois moins de clients que les autres. Et cela n’a rien à voir avec l’itinérance qui occupe moins de 20 % de notre fréquence 1800. Au-delà de cette décision contestable, notre objectif est de proposer à nos clients la meilleure 4 G le plus tôt possible.
Vivendi veut vendre Maroc Telecom. Vous êtes sur les rangs?
Nous ne faisons pas partie du processus de vente. Pour autant, je pense qu’Orange présente toutes les garanties politiques, techniques et financières pour reprendre cet actif sensible. Mais, étant déjà présents au Maroc, nous avons une idée assez précise de la valeur de Maroc Telecom. Nous ne grimperons pas à une échelle de perroquet. Alors que la pression sur le secteur est énorme, je dois tout d’abord préserver la solidité financière d’Orange.
Êtes-vous financièrement dépendant de l’accord d’itinérance signé avec Free et qui vous rapporte 500 à 700 millions par an?
À cause de l’arrivée de Free Mobile, France Télécom perdra 2 milliards de résultats sur deux ans. Le choc est rude pour un groupe qui sort à peine d’une violente crise sociale. France Télécom est moins flexible que ses concurrents. J’ai donc choisi de signer cet accord d’itinérance pour nous donner le temps de nous adapter à la nouvelle donne. En 2018, date de l’arrêt de l’accord, ce sera chose faite. Nos concurrents nous ont traînés dans la boue et accusés d’avoir fait entrer le loup dans la bergerie. Ils se trompent lourdement. Cette décision a non seulement protégé France Télécom mais aussi préservé le secteur du pire. Car, si nous ne l’avions pas fait, le régulateur l’aurait imposé six mois plus tard. Free aurait alors mis Orange, SFR et Bouygues en concurrence et obtenu un contrat certainement moins cher. Il aurait donc pu pratiquer des prix encore plus bas.
Êtes vous prêt à céder Dailymotion à Yahoo!?
Je n’ai aucunement l’intention de céder Dailymotion. Je suis très heureux de cet investissement, que j’ai porté personnellement à un moment où les actionnaires de Dailymotion, dont le FSI, souhaitaient se désengager. Mais ce qu’il faut aujourd’hui, c’est donner à Dailymotion les moyens d’accélérer son développement en particulier aux États-Unis pour venir concurrencer YouTube. Ce n’est pas une question d’argent, mais bien de partenariat industriel. En plein accord avec le management de Dailymotion, nous recherchons ce partenaire. Nous resterons un actionnaire influent de Dailymotion et nous serons attentifs aux retombées pour Orange, et pour la France, d’une éventuelle alliance. L’idée de créer, en France, un centre mondial de la vidéo est notamment sur la table. Chez nous, le patriotisme économique a un sens. C’est pour cela que nous investissons 150 millions d’euros aux côtés de Publicis dans un fonds de «venture capital» pour développer des start-up du numérique. C’est aussi pour cela que nous voulons soutenir la filière en confiant le déploiement de la 4G à Alcatel Lucent, là où d’autres préfèrent des fournisseurs asiatiques…
Conclusion pas de 4G pour les forfaits Sosh comme chez SFR 😉